À deux brins d’herbes de la Mort

Belle journée en perspective : on se grimpe une montagne du coin en téléphérique, et on redescend à pied les 1000 mètres (la montagne en faisant 1500 au total). Puis, en revenant, on se fait le Onsen sur herbes.

Mais bon, faut s’équiper pour la montagne : sur les brochures touristiques, ils disent qu’il fait 10 degrés moins chaud en haut de la montagne, qu’en ville…

J’avoue qu’on a de la misère à y croire : on voit le sommet de la montagne de chez nous : ça nous ne semble pas si haut que cela…

Mais bon, avec le vent, et les changements climatiques, allez zou, on ne prend pas de chance : on amène les deux polars.

Bouteille d’eau au sac, on achète des « snacks » chez 7-eleven. Bon, c’est gentil de la part de ce magasin d’offrir tout un étalage de snacks, mais bon, il y a un os : sur tous les sacs, il y a la même traduction en anglais. Cela dit : « Un bon snack, bon pour la santé ». Oui, OK, mais c’est quoi (j’ai encore le goût du foie d’hier dans la gorge, et de la « ligne de gras »)?

Bon, on achète du beef jerky, ça va, le sac est semi transparent, on le voit, le bœuf séché (bien que j’ai des doutes : on dirait du saumon séché…). Des arachides : valeur sûre. Et des « ronds » de riz au miel », on les voit aussi (durant la pause de la descente de la montagne, les « ronds de riz au miel » se sont transformées en « galettes de riz salées et épicées ». Heureusement, c’est bon. Mais comme dessert, c’est moyen).

On prend le bus.

On arrive au téléphérique. Comme on prend juste l’aller, pas le retour, ils nous font signer comme un registre avant de monter… Mais on ne prévoit pas revenir au téléphérique en revenant : le sentier nous amène à un autre arrêt de bus. À quoi sert ce « registre »?

Mystère.

Au retour, proche de l’autre arrêt de bus, on va trouver par hasard, dans un tiroir sur le sentier, des registres semblables avec des crayons. Mais comment font-ils pour savoir qui est où? J’espère juste que l’équivalent des Sentinelles de l’Air japonaises ne sont pas en train de nous chercher actuellement dans la montagne (si oui, J’aimerais bien voir le no2 en action, un rêve d’enfant…).

Bref, on monte. C’est beau. J’attache les 4 boutons de mon pata (qui fonctionnent toujours : ce sont les originaux, vous saurâtes) en prévision du 10 degré de moins.

On sort dehors. Je pense qu’il fait plus chaud en haut qu’en bas. J’en suis quitte pour trainer le pata de Sol, et sa veste (c’est moi, l’âne du groupe : Sol joue le rôle de la mignonne petite créature).

Très beau le haut de la montagne, avec un petit pèlerinage des 7 dieux du Bonheurs. On s’attarde.

Sol panique un peu, car la pancarte qui annonce le sentier, c’est écrit en anglais : « Path for the climbers ». Sol se voit déjà avec la pioche, les pics et la corde. Moi, je pense plus à une traduction quelque peu boiteuse du Japonais. C’est moi qui aura raison. Heureusement.

On commence la descente.

Pour vrai, une très belle forêt. Un tout petit oiseau très kawaii est presque venue se poser sur le doigt de Sol.

Plus loin, alors que Sol et moi on argumente relativement fort sur le chemin à suivre (j’ai raison, et elle a tort, c’est tout), je fini par voir, à 5 mètres de nous, un mammifère de la grosseur d’un chien, qui renifle la terre. Quand je le pointe à Sol, l’argument se fracasse au sol dans un silence pesant : on est ravie de notre rencontre. On prend au moins 5 minutes à le (la?) regarder remuer la terre : il ressemble à un très gros furet (voir la photo). On va finir par découvrir qu’on a vu un blaireau japonais. Wow.

On ne se souvient plus de notre argument (à part que j’avais raison, et qu’elle avait tort, c’est comme ça).

Petite parenthèse à la parenthèse précédente : ce sont les vainqueurs qui écrivent les livres d’histoire.

Bref.

On a rencontré trois Japonais, dont une femme, qui tous, grimpaient en solitaire. La femme a évidement parlé à Sol en Japonais, et assez rapidement. Comme l’autre monsieur Japonais en haut de la montagne, et qui nous parlait des 7 Dieux. Tout le monde parle à Sol en Japonais, comme si elle était Japonaise.

Il est temps de vous dévoiler un grand secret : Sol EST Japonaise. Pour celles, et les ceux qui la connaissent, d’où pensez-vous que ça vient, cette manie de tout organiser, de tout prévoir, et DE LIRE LES MANUELS D’INSTRUCTIONS DES GRILLES-PAINS ???

Bref.

Vers la fin du sentier, celui-ci passe par un temple. Très cool.

Notre plus belle rando au Japon à date (bon, c’est peut-être aussi la seule qu’on a fait depuis, mais bon, quand même).

Arrivé en bas, le bus, qui passe aux heures, arrive après deux minutes d’attente : ça, c’est de l’organisation.

On revient dans la civilisation.

Direction, l’Onsen aux herbes.

Dans ma tête à moi, à l’Onsen aux herbes, on est dehors, et le gazon est chauffé par la vapeur souterraine. Ça va être chaud et humide, et on va se salir.

Mais bon, Sol y tient, à ce Onsen.

On entre.

Après quelques explications, je fini par comprendre ce que je ne voulais pas comprendre : on parle plus d’un bain sauna, que d’une pelouse extérieure.

Je déteste les bains saunas. Je ne suis pas capable d’y rester plus d’une minute sans souffrir atrocement (dedans ma tête en tout cas). Mais bon, on a déjà payé le 9$ chacun, pour le « bain » et la location du Yukata (kimono de bains vapeurs).

Je suis en train de me mettre nu dans le vestiaire des hommes (c’est rendu que j’aime cela!) quand la madame de l’accueil vient me voir et me dire quelque chose au sujet du bas de mon corps.

J’ai trois choix d’interprétation :

  • Elle me rappelle que je dois me laver le bas du corps avant d’entrer dans la salle de torture;
  • Elle me rappelle que je dois être nu sous le yukata;
  • Elle veut me parler de mon pénis « pas réglementaire ».

 

En absence de Sol la Japonaise pour me traduire, je choisi conservateurement (oui, voilà un nouvel adjectif, la langue française évolue à la vitesse de l’escargot en rut) l’option 1.

Je finis presque de me laver assis, quand la madame revient. Bon, là, je suis nu. Mais bon, ça va. L’autre monsieur dans le vestiaire ne s’en formalise pas, et elle non plus. Donc, moi non plus.

Elle m’aide à mettre mon yukata que je tente d’attacher à l’envers, et elle me mène vers ma destination finale. Dans le sens de.

 

La porte d’entrée du sauna aux herbes doit faire moins de mètre de haut. Elle me fait signe de faire attention à ma tête.

 

Vous savez, là, madame, ma dernière crainte, c’est de me cogner la tête. Parce que j’ai une liste de genre 20 autres craintes plus urgentes dans ma tête, dont celle de mourir suffoqué, asphyxié ou étouffé (je sais, ce sont trois synonymes).

 

Elle ouvre la porte, installe ma petite serviette sur la roche qui va me servir de lit mortuaire, et me dit de m’allonger sur l’herbe sèche. Le plafond est à 2 mètres max. Je suis seul.

Elle ferme la porte.

Bon, voilà, tentons de nous détendre.

Hum.

Après genre 15 secondes, l’air frais qui était là, avec moi, se dissipe (trop) vite. Dire que c’est grâce à cette « brise » fraîche que j’avais eu le courage de m’étendre.

Pensons à autre chose.

Autre chose que la température qui augmente, et que je suis là pour 8 minutes. Pas 5, pas 7, pas 10, 8. C’est Japonais.

Regardons le décor autour de moi. Le toit est brun foncé, trop près de ma face, et il n’y a pas de fenêtres (je mets un « s » car je veux souligner que j’aurais aimé que des fenêtres, il y a assent (conjugaison du verbe avoir dans un temps que je ne maitrise pas du tout, visiblement) beaucoup, et des grandes).

J’ai le temps de me chanter genre deux chansons.

L’air chaud commence à vouloir entrer dans ma bouche.

Je vérifie, il veut aussi entrer dans mes narines.

Horreur.

Penser à autre chose.

Comme c’est long, huit minutes.

Je m’essais à plusieurs sujets différents, je reviens toujours à cet air chaud qui veut m’envahir le dedans.

J’ai pourtant bien les bras repliés sur mon corps, pour me garantir une certaine bulle de fraicheur.

Bon, je ne serais pas le premier occidental qui ne fera pas les 8 minutes de ce tourment asiatique.

Bon. Si je me lève maintenant pour sortir, je dois penser avant d’agir, pour ne pas paniquer (là, je suis en train de penser aux milliers de films d’horreur où les portes restent désespérément et inexplicablement fermées au « bon » ou « mauvais » moment, c’est selon).

Donc, pensons à un plan : je me mets à 4 pattes dans les herbes sèchent, qui sentent bon par ailleurs (l’enfer est pavé de bonnes odeurs, c’est bien connu).

Je « marche » jusqu’à la porte. Je vais tenter de la pousser et, si cela ne fonctionne pas, je vais la tirer. Si cela ne fonctionne pas, je vais cogner à la porte, doucement.

Ne pas paniquer.

Tout va bien aller.

Mon plan est bon et complet. Il prévoit toutes les possibilités.

La madame japonaise aime bien me voir nu (mais vivant, j’en suis moins certain), elle va ouvrir rapidement si j’en ai besoin.

Bon.

C’est officiel, la dernière molécule d’air frais que je gardais soigneusement dans mon bas poumon gauche est maintenant passée à l’ennemi : elle est chaude. Genre enfer chaude.

 

Voilà. Il est temps de mettre mon plan à exécution.

Me mettre à quatre pattes.

Ne pas penser à la chaleur qui est partout, autour et dans moi.

Faire deux « pas » vers la porte. Pousser la porte. Cela ne fonctionne pas. Tirer la porte, non plus. Heureusement, je m’en tiens à mon plan et je ne panique pas : je cogne, peut-être un peu moins doucement que mon plan l’avait prévue.

Joie : presqu’instantanément, j’entends une chaise, une madame parler en japonais et la porte qui s’ouvre très vite.

Cela tombe bien, parce que mon plan s’arrêtais là : je n’avais rien prévue après les coups sur la porte.

Sinon mourir de chaud?

 

Bref, je sors.

La madame est très contente de me montrer le chrono : j’ai fait 5 minutes sur les 8.

J’ai facilement battue mon record.

Mais j’avoue que là, je n’y pense juste pas.

Je suis vivant.

La madame m’aide à enlever mon yukata (je savais qu’elle voulait me revoir nu).

Je plonge presque (de joie) dans le bain chaud normal.

Mais bon, il est très chaud lui aussi.

Je sens comme un grand vide en moi. Je me sens détendu. Mais est-ce parce que le bain vapeur m’a fait du bien, ou parce que je viens de frôler (dans ma tête) la Mort?

J’opte pour la deuxième hypothèse.

Je me prends une douche d’eau froide.

Je reviens à la vie.

Je vais attendre Sol dehors.

Elle arrive, quelques minutes après moi.

On se raconte nos expériences.

Et j’apprends que, pendant que moi, chaque seconde était comme la lutte à la survie, Sol, elle, ben elle en avait pas assez, de la chaleur.

Elle m’explique, sourire aux lèvres, qu’elle respirait à pleins poumons cet air brûlant.

Qu’elle s’est étendue le plus possible sur les herbes chaudes, qu’elle a touché les pierre chaudes (crissement chaudes), et que quand la madame est venue lui annoncer la fin de son 8 minutes, elle a dit « déjà? » et elle en voulait plus. Mais la madame ne comprenait pas, ou ne voulait pas croire, que Sol en voulait plus.

Sol aimerait y retourner. Sol la Japonaise. Jusqu’au bout de ses molécules pulmonaires.

 

« Quel dommage que l’on quitte demain, mon petit lapin, et qu’on a déjà réservé notre AirBandB suivant, non remboursable. Sinon, chérie d’amour, on serait resté, bien sûr, et on serait revenu autant de fois que tu le vouasses (ben merde, ce verbe existe! Il a un Dieu sur Terre! J’ai vu sa Lumière!).

 

Cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi content d’avoir réservé un appart d’avance.

 

Syl

 

PS : Mon seul regret si j’avais mourut là : de ne pas avoir essayé la crème glacée aux poivres. J’ai, décidément, une cervelle de tractosaure…

Le kawaii blaireau japonais de la forêt.

Commentaires (5)

Pierre11 mai 2018 à 10:29 am

Cinq minutes ? Bravo ! Je ne serais même pas entré tellement j’haïs ça. J’aimerais bien voir une photo de la version mascotte du gros coco. Après le blaireau il faut maintenant trouver un tanuki (va voir sur les internets) et au moins un pokémon.

Andrée27 mai 2018 à 4:08 pm

J’ai souffert l’enfer juste à te lire. Sont fous ces Japonais!

Sabourin Micheline5 juin 2018 à 4:49 pm

Ça fait longtemps….on a hâte de vous voir! En passant, qu’il y en ait des fenêtres c’est pas japonais ça? Sol japonaise? Mais oui…mais surtout universelle. Le monde lui convient et elle le lui rend bien. À pl XXX

syl5 juin 2018 à 10:18 pm

Effectivement, les Japonais ont de la difficulté avec les fenêtres. Par exemple, dans notre BandB actuel, les deux grandes vitres sont givrées. Et impossible à ouvrir. Il y a des volets sur la seule autre grande fenêtre, mais les autres apparts ne les ouvrent jamais. L’intimité semble importantes chez nos voisins japonais.

pgluneau23 juin 2018 à 7:34 am

Vraiment mignonne, la bestiole!

Vraiment étrange, ces Japonais : moi, je n’aimerais pas manger une bêche-porte-poussière avec mon oeuf pour déjeuner!!

Les vues de la montagne sont vraiment magnifiques. Merci pour ces splendides paysages!

P.S.: On nous a annoncé, aux nouvelles, que c’était au Thunderbird #5, celui en orbite, qu’on a demandé de localiser un couple de touristes québécois qui ne sont jamais redescendus d’une montagne… Même avec les caméras-radar hypersophistiquées, jumelées aux logiciels de reconnaissance faciale, John Tracy, le plus fade des 5 frères, n’a jamais pu les retrouver, un échec pour cette dynamique famille : Scott, Gordon, Virgil, Alan et Tin-Tin ne s’en remettent pas encore…


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