Rencontre avec l’Esprit-Saint, celui (ou celle?) qui fait réfléchir

Etia (extrême est de la Crète), 7 juin 2023

Le dimanche, notre proprio, Emmanouilli, débarque à l’éco villa. Il est escorté par sa petite fille de 6 ans et (surtout), son frère.

Il vient nous demandez gentiment si on veut participer à la cérémonie de l’Esprit Saint, qui a lieu lundi matin et qui requière de grimper une montagne (on s’en doutait), d’écouter une cérémonie en grec et de manger et boire (ça aussi, on s’en doutait).

Bon, l’Esprit Saint, j’ai rien contre, mais mon esprit est assez sain comme cela.

Sol et Éric hésitent aussi un peu (Pourtant, Éric, l’esprit sain, il en aurait bien besoin… :  )

Et puis, là, la petite fille, toute mignonne y va aussi. Et puis, le frère : il débarque de l’état de New York. Il nous dit qu’il est prêt à nous prendre en camion pour monter… Que cela vaut la peine. Oui, il y a la cérémonie (qu’il écoutera à peine) mais il y a aussi le pic nic qui suit.

Bon, bon, bon… l’appel au ventre fonctionne et surtout, la curiosité. On accepte. Tout le monde est heureux.

Demain, devant les fontaines du village, 8H00 du mat.

Ce qui fut dit fut fait.

Le lendemain matin, on se pointe. Bon, l’affaire se complique : il n’y a plus de place sur le camion (sur, parce qu’ils mettent des chaises normales dans le coffre du pick-up sans les attacher), à causes des gens âgés. Nous ne sommes pas encore considérés « âgés » (on est plus vieux qu’Emmanullli). On prend donc notre char pour y aller, quand on verra pleins de chars arrêtés sur la route à côté d’un chemin, à environ « un mile » d’ici (le frère est américain maintenant), on pourra continuer à pied.

On part en char en se disant que bon, au pire on manque le Saint-Esprit (je partagerais une partie du mien avec Éric) et on fera autre chose (y’a pleins de choses qu’on n’a pas fait dans l’coin).

On arrive au croisement d’un chemin avec UN char sur le bas-côté. Cela correspond au « mile » du frère.

On descend de la voiture et on grimpe en suivant le chemin. Cela prend un bon kilo avant de finalement voir le premier pick-up nous dépasser. Sol a un problème de hanche, et on a un bon 4 kilos à grimper. Assez rapidement, l’un des pick-up se proposent de nous grimper, et Sol accepte.

Sol part donc en avance, avec les motorisés. Éric et moi on fonce à pied, toujours dans un décor féérique.

Qui le devient encore plus quand on aperçoit, au loin, les marcheurs grimper le dernier kilo vers le sommet de la montagne avec la petite église.

Bô.
La procession.

Impossible en effet de faire ce dernier kilo en motorisé (mais peut-être avec un Humer électrifier grâce à nos batteries géantes qui sont bonnes pour l’environnement et qui ne brûle pas les forêts. D’ailleurs, je suis sur la liste d’attente pour un Humer électrique. Moi, je fais ma part pour sauver l’environnement : et vous?).

Cela veut dire que l’on grimpe en arrière de personnes âgés. Je ne veux pas médire, mais ces personnes sont plus âgées que nous, et elles grimpent solides. Les grand-mères ont un bâton d’une main et ramassent des herbes de l’autre (les herbes sont plus « concentrées » en haute montagne parce qu’il y a moins d’eau).

On apprendra aussi que les personnes âgées ne sont pas d’accord pour venir rencontrer l’Esprit Saint en pick-up : encore aujourd’hui, elles militent pour que la procession commence au village, et que tout le monde marche l’heure et demie. Mais les jeunes ne veulent pas…

Rendu en haut, on retrouve Sol intacte et souriante. On doit bien être une soixantaine de gens en haut. Le prêtre a déjà commencé les chants, aidés par deux assistants, dont les âges varient.

Puis, je remarque que tous ces montagnards ont des manteaux pas de manches, et des manches longues et des pantalons (sauf une jeune femme en short qui arrive tout droit d’Héraklion). Évidemment, les nuages se mettent de la partie, le soleil nous quitte et le vent se lève : nous sommes parties sans manteau et on le regrette. On est au sommet d’une montagne. On cherche protection sur le côté de l’église (l’intérieur est occupé par la cérémonie, je vous le rappelle).

La vue est éblouissante.

Vue sur la village en contre-bas.

La cérémonie traîne en longueur. On songe à redescendre au chaud.

Et puis, le prêtre sort de l’église (ainsi que le soleil : hasard? Je ne le crois pas!), récite le nom de tout le monde (mais pas les nôtres : il fallait rentrer et donner un papier, on ne le savait pas et de toute façon, il ne faut pas torturer un prêtre avec des noms bizarres (Sylvanouilli, Solangas et Érickosnonos), qui vient de monter une montagne : Dieu est avec lui (et rase la montagne. Genre).

Moment solennel: la bénédiction du pain.

Puis, des hommes sortent les pains de sacs bariolés. Mais vraiment, beaucoup de grosses miches. Ils les coupent en quart (les Grecs ne connaissent pas de plus petite division que le quart). Puis, le prêtre béni les pains (on jurerait qu’il les a multiplié tant il y en a : on apprendra que les gens reviennent avec ces pains et les distribues dans leur famille, chez leurs amis, qui n’ont pas pu venir pour gouter, eux aussi, à la bénédiction de l’Esprit Saint).

On se met en ligne pour se bouffer le pain. Il est brun et gros. Wouach le pain brun.

C’est en fait un pain brioché sucré, très bon, et qui nous donne de la force pour redescendre.  

La descente sur Terre.

Mais quand les premières personnes quittent le sommet, d’autres sortent le Raki et de la viande! Sol, qui a appris à aimer ce « spiritueux » très à propos lorsqu’on rencontre le Saint Esprit, ne se fait pas prier et enfile les verres les uns à la suite des autres, au grand bonheur des Grecs. Moi, je donne mon verre à Sol.

On entame la descente pour se rendre à l’aire de pic nic, à mi-chemin du sommet et du village. En marchant, on parle tous les trois de l’Église catholique romaine qui a peut-être manqué le bateau de cérémonies « intéressantes »… On pense qu’une grosse minorité de Grecs sur la montagne ne sont pas vraiment pratiquants, mais l’idée de tradition, de prendre le temps pour se rassembler, partager, vaut la peine de venir. De maintenir en vie des moments collectifs.

Le pic nic qui suit est un modèle du genre : des tables de pierres (des dolmens renversés selon Érickosnonos), bancs de pierres, bûches de bois, le tout sous un plafond d’oliviers énormes. Et la tonne de bouffe : lapin frits, chèvre, les artichauts marinés, les oignons sauvages, les fromages de toutes sortent, tous locaux (notre hôte s’excuse de ne pas avoir de fromage de sa chèvre : elle a un chevreau depuis un mois et donc le lait lui est réservé (il fait mieux de s’excuser : quelle excuse à la noix et je m’y connais : je travaille dans une école secondaire). Sol a eu un faible pour les œufs au vinaigre et huile d’olives (Éric n’a jamais vu de sa vie des jaunes d’œufs aussi foncé). Sans oublier la tournée du vin maison : les gens se promènent avec des gros deux litres de leur vin, et aime que l’on déguste leur production.

Et nous on aime déguster.

Vraiment, un beau moment.

De retour, on se farcit une journée de farniente pendant qu’Éric cours la galipote en voiture pour voir Rethymnon, qui ne valait pas le détour, mais la route pour s’y rendre, oui.

Le lendemain, c’est le départ pour l’extrême est de la Crète.

On avait regardé pour des visites en chemin, mais Google nous parle de 4 heures de route. Comme on part vers 10H00, pis qu’il faut manger en route, on décide de laisser tomber la visite : nos nouveaux hôtes nous attendent.

Aussitôt embarqué dans le char, j’ai comme une boule au ventre. Le mal des transports. La route est hypersinoueuse. Heureusement, le décor est grandiose.

On se perd pendant une bonne demi-heure (mes deux applications de cartes ont planté en même temps (?!?) en montagne, mais en redescendant, bizarrement, mon mal de ventre diminue. On décide de s’arrêter en chemin pour manger.

On tombe sur une cantina avec la serveuse aphone : elle parle tellement bas qu’on comprend à peine le menu. On se retrouve avec une excellente salade grecque et trois bâtons de souvlakis. Le tout pour 15 euros. Notre repas resto le moins cher en Grèce depuis notre arrivée.

On reprend la route et on décide de s’arrêter à la ville côtière d’Iérapetra. Il y a des murs byzantins à visiter, et une forteresse vénitienne. Et surtout, de la crème glacée.

Bon, cela ne mérite pas de détour. Mais bon, cela me permet de reprendre vie et mon mal des transports a disparue. Tant pis pour lui!

On repart, et on regrimpe en montagne pour atteindre un plateau. On dépasse le point de ce que Google nous dit comme étant notre AirBandB. Y’a rien dans le coin. 500 mètres plus tard, on arrive au village d’Étia, dans lequel ce trouve notre nouvelle maison.

C’est un village fantôme.

Sans blague : un village de l’époque vénitienne (soit 400 ans environ), en partie rénovée : la loggia vénitienne (ouverte ce samedi prochain) et ses deux églises. Mais le village comme tel, se sont des ruines. Belles, mais ruinées quand même.

On arrête au milieu et pendant que Sol et moi on tente de s’orienter avec le Ipad, Éric prend ses jambes à sa barbiche et trouve nos proprios. On était à 30 mètres de la maison. On fait connaissance avec Yannis, un océanologue, et Zoé, qui nous accueillent chaleureusement avec raki, vin blanc, et autres spécialistées. Zoé, c’est un nom d’origine grecque : cela veut dire « vie ». Eh bé.

Pour accéder à la maison, on ne peut pas y amener l’auto : faut marcher pendant genre 30 secondes, du stationnement à notre porte.

C’est encore une maison rénovée sur 15 ans (l’autre l’était sur 10 ans), plus confortable mais un peu plus moderne. Éric a son appartement avec chambre en mezzanine (cela lui rappel son gros lit à deux étages), petite cuisinette et petit salon. Sol et moi avons l’autre partie de la maison avec chacun notre chambre et cuisine et salon. Et surtout, on partage une magnifique cour.

Peut-on vous dire que c’est tranquille? Je veux dire : vraiment tranquille! On a exploré un peu aujourd’hui, c’est vraiment magnifique.

Notre maison au milieu des ruines.
La loggia en arrière plan.
L’ensemble du village fantôme: notre maison est en avant-plan.

Mais on était claqué toute la gang de notre déplacement d’hier. Faut dire que le soleil est de la partie, la chaleur en après-midi commence à gagner du gallon. L’été serait-il arrivé?

Aujourd’hui, marche dans le coin et on effectue le ravitaillement au gros village de la région (hier, on est aller souper à Handras ou Andras, cela dépend) et bon, le resto était correct (le repaire des petits vieux du village qui ne sentent pas tous la rose) et l’épicerie (avec sa gentille madame) qui mérite plus sa place en Égypte qu’ici : c’est un bazar!), soit le village de Ziros. Effectivement, l’épicerie est un plus grosse, il y a un début de bazar, mais on trouve de presque tout, et surtout un Sirah du monastère de Toplou (ce monastère est sur notre viseur : il est à 40 kilos de nous, et son vin est excellent! On imagine le reste!).

L’après-midi est consacrée au us et coutumes locales : la sieste!

On a hâte à demain!

Syl le fantôme à l’esprit sain

Commentaires (7)

Michèle8 juin 2023 à 2:19 pm

Érikosnonos… j’adore ahahah. Ça va rester écrit dans les annales. 🙂

Trippant, ce recueillement en montagne!

syl9 juin 2023 à 9:47 am

C’est juste difficile à prononcer… : )

Pierre9 juin 2023 à 8:07 am

J’espère que vous allez nous raporter du pain à l’esprit sain. J’en ai besoin 😉

syl9 juin 2023 à 9:47 am

Désolé, on a tout gobé. J’en avais finalement plus besoin que je le pensais!

Micheline Sabourin11 juin 2023 à 2:15 pm

Je voulais du pain aussi mais je me contenterai des artichauts, des fromages et su vin du monastère Topiou. XXX

syl14 juin 2023 à 5:10 am

Ils ne font pas de fromage, les moines grecs (ou en tout cas, les moines de Crète). Mais leur huile d’olive et leur vin… : )

Pierre-Greg20 juin 2023 à 8:29 am

Heureux que vous soyez ENFIN bénis!

Curieusement, ce village fantôme, il ne m’inspire rien… ENFIN un coin de Crête que je pourrai éviter!


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